PORTRAIT D'UNE ENFANT DECHUE
- jean2m
- il y a 7 jours
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Dernière mise à jour : il y a 21 heures
1970 Jerry Schatzberg USA.
Avec Faye Dunaway, Barry Primus, Viveca Lindfors, Barry Morse, Roy Scheider, Ruth Jackson, Joe George, Barbara Carrera
Genre : Drame - 1h45min
Note : 8,4
De top-modèle à top-maudit
Lou Andreas Sand, ancienne top-modèle à la dérive, se confie à Aaron, un ami photographe qui souhaite réaliser un film sur sa vie.
Isolés dans une maison au bord de l’océan, la top-modèle et l'intervieweur cherchent un sens à leur rencontre. A l’évidence les mots de Lou ne se contenteront pas de combler les vides d’un simple scénario. Attentif à la douleur de son amie, Aaron encourage Lou à s’exprimer pour l’aider à reprendre pied.
Massacrée par un milieu où la cruauté tient lieu d'identité, Lou a bien morflé. Aujourd’hui, elle s’accroche avec fébrilité à des récits réconfortants mais ses mots dissimulent une réalité bien plus sombre. Elle évoque avec émotion son merveilleux premier amour tandis que les images la montrent violée par un quinquagénaire libidineux ; son mariage avec Mark, un publicitaire macho, est selon elle le plus beau jour de sa vie, pourtant, on la voit s’enfuir de l’église le regard terrifié ; la compagnie des hommes semble ordinaire, mais sur l’écran elle ne trouve de plaisir qu'avec des inconnus rencontrés dans les bars.
Aaron traque les souvenirs de Lou, de son ascension jusqu’à sa chute. Le puzzle se construit entre fait réels et évènements fantasmés. Avec son aide, Lou va se nourrir de petites certitudes.
Comment ne pas adorer un film que tout le monde ou presque a détesté lors de sa sortie en 1970 ? C’est toujours réjouissant mais tellement facile de qualifier un film de chef d’œuvre 50 ans plus tard, quand avant vous de nombreux critiques ont fait le boulot de réhabilitation. Pourtant je suis convaincu que si j’avais été à San Francisco le jour de la première projection de PORTRAIT D’UNE ENFANT DECHUE j'aurais hurlé : "QUEL PUTAIN DE FILM GENIAL ! ".
Il ne faut surtout pas réduire le film de Jerry Schartzberg à une simple représentation du milieu de la mode des années 70. Le raccourci est facile, Schartzberg est photographe de mode, la mode est futile, donc le film l’est aussi. Grossière erreur, déjà la mode peut ne pas être futile et le titre original PUZZLE OF A DOWNFALL CHILD donne la clé d’un univers bien plus complexe qu’il n’y parait. Pour nous transporter dans l’esprit malade de Lou, le réalisateur utilise un dispositif créatif osé, constitué de plusieurs pièces : rupture, flash, abstraction, répétition… un véritable puzzle de tentatives cinématographiques.
L’esprit de Lou est fractionné, la mise en scène aussi. Ce plaisir de déconstruction sert évidemment le propos et nous rend, en tant que spectateurs, reconnaissants d’être emportés dans ce tourbillon de dérèglement constant. Le film de Schartzberg déroule une désinvolture formelle et une richesse d’inspirations remarquables.
Une autre erreur serait d’accrocher ce film au mouvement du Nouvel Hollywood. Trop facile ! PORTRAIT D’UNE ENFANT DECHUE est un film résolument new-yorkais, marqué par une influence pop pleinement assumée. Scorsese, Coppola, Spielberg sont des cinéphiles biberonnés aux références critiques, tandis que Schatzberg est un autodidacte shooté à la kodack color.
Bien qu’on perçoive dans ce premier film une véritable tentative "auteuriste", on se régale des cadrages mainstream imprégnés d’un esthétisme propre à la photographie de mode. En fait critiquer Schatzberg sous prétexte que c’est un photographe de mode, c’est ignorer à quel point cette particularité insuffle un vent de fraicheur à la production cinématographique du début des années 70.
Que dire de Faye Dunaway, sinon qu'elle nous éblouit au point de nous rendre incapables de porter un regard critique. Ce n’est pas humain. Depuis L’AFFAIRE THOMAS CROWN on se savait fragilisés, avec PORTRAIT D’UNE ENFANT DECHUE nous devons admettre que notre devoir d’objectivité est mal en point.
BANG !
C’est grâce à Pierre Rissient, réalisateur, producteur et grand découvreur de talents, que PORTRAIT D’UNE ENFANT DECHUE a pu traverser l’atlantique et rencontrer le succès critique en Europe. Il est le seul à avoir su saisir au Festival de San Francisco en 1970 la force et l’originalité du film de Schatzberg.
L'histoire du film est inspirée de la vie d'Anne St. Marie, le mannequin star des années 50.
Jerry Schatzberg a enregistré une série d'entretiens avec elle, qui a servi de base au film. Anne St. Marie est créditée en tant que conseillère technique.
Paul Newman et Joanne Woodward ont été les premiers soutiens du film en contribuant à son financement par l'intermédiaire de leur société de production.
Jerry Schatzberg a parlé à Faye Dunaway de l'idée du film alors qu'il la photographiait pour Esquire (la fameuse photo au béret rouge shootée en 1966). Faye Dunaway, qui commençait une carrière dans le cinéma, a fait pression pour que le projet voie le jour.
Sur la liste papier des photographes infréquentables avec lesquels le personnage joué par Faye Dunaway ne travaillera plus jamais, figure le nom de Jerry Schatzberg. Petite blague de l’équipe de tournage.
En 1978, Faye Dunaway incarne une photographe dans LES YEUX DE LAURA MARS, le très bon thriller réalisé par Irvin Kershner sur un scénario de John Carpenter, qui se déroule, une fois de plus à New York, et une fois encore dans l’univers de la mode.
Barry Morse qui joue le Dr. Galba deviendra célèbre en interprétant Victor Bergman dans la série COSMOS 1999.
Après ce premier film, Schatzberg réalise PANIQUE A NEEDLE PARK, présenté à Cannes en 1971. Il remporte la Palme d'or en 1972 avec son troisième film L'EPOUVANTAIL.
Schatzberg, avouera plus tard une attirance pour le néo-réalisme italien et en particulier pour le film d’Antonioni LE DESERT ROUGE. Dans un autre registre, BLOW-UP a dû aussi l’inspirer.
Dialogue culte
De nos jours, tous les hommes se laissent pousser les cheveux. C'est fabuleux... mais vous ressemblez tous à Jésus ! Comment le reconnaître quand il arrivera ?

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